Rue Saint-Augustin
L’entrée du passage de Choiseul, rue Saint-Augustin
Bâti à proximité des Grands Boulevards, alors très fréquentés, le passage de Choiseul fut entrepris à l’initiative de deux banquiers suisses installés à Paris, Jules (1789-1866) et James Mallet (1787-1868), dans le cadre d’un projet essentiellement spéculatif. Les frères Mallet, qui s’emparaient de quartiers entiers de Paris pour les lotir, avaient acheté le quadrilatère formé par les rues Gaillon, Saint-augustin, Saint-Anne et des Petits-Champs.
Ils firent abattre quatre hôtels particuliers (les Hôtels de Lionne, de Lenglée, de Gesvres et Radepont), afin d’implanter plusieurs immeubles de rapport. En pleine vogue des passages couverts, le passage de Choiseul devait relier directement la rue Saint-Augustin, au nord, à la rue des Petits-Champs, au sud.
L’opération immobilière des frères Mallet fut toutefois bouleversée par la construction d’une nouvelle salle de théâtre (actuelle salle Ventadour, abritant aujourd’hui le restaurant de la Banque de France), décidée par Charles X et inaugurée en 1829, en vue d’accueillir la troupe de l’Opéra-Comique. Elle se réduisit finalement au seul passage de Choiseul !
Terrains et maisons à vendre et à louer, s’adresser à Guichard, passage Choiseul, n° 26, 1826, prospectus, BNF, GED-4155
Bâti par l’architecte Antoine Tavernier (1797-1870), d’après les dessins de Charles-François Mazois (1783-1826), le passage de Choiseul fut conçu comme une galerie marchande, sur le modèle des galeries Vivienne et Colbert voisines. Un prospectus paru en 1826 indique l’emplacement du théâtre Comte (actuel théâtre des Bouffes-Parisiens) et le passage Sainte-Anne, qui n’était encore qu’un projet.
Le passage du Choiseul, rue des Petits-Champs
De grandes arcades en plein cintre forment les accès principaux du passage de Choiseul, sur les rues Saint-Augustin et des Petits-Champs. Elles sont dotées d’une demi-lune vitrée, flanquées de pilastres doriques et protégées par une marquise à structure métallique et carreaux de verre.
Les deux extrémités du passage de Choiseul, rue des Petits-Champs, à gauche et rue Saint-Augustin, à droite
La galerie principale s’ouvre, à chaque extrémité, par un court vestibule entresolé et couvert d’un plafond.
La loggia du passage de Choiseul
Le passage est couvert d’une longue verrière à double pente sur la presque totalité de sa longueur. Du côté de la rue Saint-Augustin, cette verrière est interrompue par une sorte d’ « antichambre » plafonnée, qui correspond à la cour de l’ancien Hôtel de Gesvres.
Les pignons de cette « antichambre » sont ornés d’un balcon suspendu, qui regarde vers la rue Saint-Augustin, et d’une loggia appuyée sur de lourdes consoles, faisant face à la galerie. Les colonnes ioniques de cette loggia supportent un entablement couronné de rinceaux et de cornes d’abondance, où se loge une grande horloge.
Le passage de Choiseul, avant et après la restauration du sol et des éclairages
Le passage de Choiseul consiste en une enfilade de grandes arcades sur deux niveaux, principalement occupées par des boutiques et, au-delà d’une corniche moulurée, d’un rang de fenêtres rectangulaires à l’étage, qui correspond aux logements privés.
Lors de la récente restauration du passage, un dallage neutre de carreaux gris a remplacé l’ancien revêtement et de nouveaux bras de lumière ont été apposés.
L’élévation du passage de Choiseul
Les grandes arcades englobent le rez-de-chaussée et l’entresol compris dans leur partie cintrée ; celle-ci retombe sur des pilastres doriques.
Le théâtre des Bouffes-Parisiens
En 1826, le prestidigitateur et ventriloque Louis Comte (1783-1859), chassé du passage des Panoramas où il avait créé un théâtre en 1820, demanda aux architectes Allard et Brunneton de bâtir une nouvelle salle dans le quartier Choiseul, qui était en cours de réaménagement. Dotée initialement d’un double accès, à l’intérieur du passage et sur la rue Neuve-Ventadour (actuelle rue Monsigny), ce nouveau « Théâtre des Jeunes Élèves de M. Comte », dit aussi « théâtre Choiseul » ou « théâtre Comte », fut inauguré le 23 janvier 1827.
Selon son usage, Louis Comte « donnait trois grandes soirées », qu’il renouvelait régulièrement par de nouvelles fantasmagories (C. Phœbus, « Revue des théâtres », Aujourd’hui : journal des modes ridicules, mars 1841, p. 3). Pour capter un large public, il ouvrait sa salle pendant les jours de relâche, comme à l’automne 1829, où il donna, « le jour de la Toussaint, tous les théâtres étant fermés, (…) une soirée extraordinaire de ses prestiges, illusion, magie, ventriloquie et fantasmagorie » (Le Corsaire : journal des spectacles, de la littérature, des arts, des mœurs et des modes, 24 octobre 1829, p. 4).
En 1835, une brève de L’Agent dramatique signale le vif intérêt des familles pour les spectacles du « théâtre Choiseul ». Au printemps de cette année-là, le spectacle « réunit tant de spectateurs (…) que, malgré les heureuses dispositions de la salle, M. Comte craignant encore quelque malaise pour son public, eut la gracieuse idée d’offrir un éventail à chaque dame » (« Nouvelles diverses », 11 juin 1835, np.). Son fils Charles reprit, avec le même succès, la direction de l’établissement en 1846 : le 3 juillet 1851, « deux cents lycéens assist[èrent] à la représentation, et le lendemain « cent autres » (« Chronique », L’Argus : revue théâtrale et journal des comédiens, 4 juillet 1851, np.).
Le théâtre des Bouffes-Parisiens, rue Monsigny
En 1855, Jacques Offenbach racheta le bail du théâtre Comte, peu après l’inauguration de son théâtre des Bouffes-Parisiens sur les Champs-Élysées. Il en fit les « Bouffes d’hiver », en pendant à la première salle, qui devint les « Bouffes d’été ». Après l’abandon de sa salle des Champs-Élysées, le théâtre du passage de Choiseul prit définitivement le nom de « théâtre des Bouffes-Parisiens ».
En 1862, la direction de l’établissement passa au chef-d’orchestre Alphonse Varney, qui sollicita l’architecte Théodore Ballu pour bâtir une salle plus spacieuse. Après Édouard Prévost et Delphine Ugalde, c’est, ironie du sort, le fils du créateur du premier théâtre, Charles Comte, devenu entretemps le gendre d’Offenbach, qui dirigea les « Bouffes-Parisiens » jusqu’en 1877.
Le passage de Choiseul, rue Dalayrac
Deux passages secondaires, perpendiculaires à la galerie principale, permettent de quitter le passage de Choiseul sans atteindre l’une de ses extrémités : l’un débouche, à l’ouest, sur la rue Dalayrac, l’une des deux rues de pourtour de la salle Ventadour; l’autre atteint, à l’est, la rue Sainte-Anne.
Le passage Sainte-Anne
Projeté par François Mazois, le passage Sainte-Anne fut ouvert en 1829, deux ans après l’inauguration du passage de Choiseul. Sa porte est flanquée de colonnes à chapiteau dorique, qui supportent un entablement dont la corniche, cintrée et enroulée, présente une grande coquille et des feuilles de palme.
Le tympan de la porte du passage Sainte-Anne
On attribua à ce passage le nom de la rue qu’il devait desservir : il est gravé en lettres capitales sur une tablette au-dessus de la porte.
Le passage Sainte-Anne, du côté de la rue Sainte-Anne, à gauche ; vers le passage de Choiseul, à droite
La galerie du passage Sainte-Anne est très étroite et médiocrement décorée, en dehors d’un mur panneauté et décoré de mascarons, du côté de la rue Sainte-Anne. En dépit d’une verrière débordante qui couvre le milieu de la galerie, le passage Sainte-Anne est assez sombre. Il a en outre conservé le carrelage moucheté qui couvrait le sol du passage de Choiseul avant sa restauration.